Bâti à l’emplacement d’un ancien restaurant, le Paillard, par le puissant propriétaire de salles et producteur Jacques Haïk, le Français ouvre ses 1058 fauteuils au public le 23 mars 1940. Pas vraiment la meilleure date pour lancer une salle. À Paris, Haïk possède notamment l’Olympia et le Rex et compte bien, malgré tout, faire de son nouveau cinéma un incontournable de Paris. Il confie donc la programmation de la salle à Samy Siritzky, fils de Léon Siritzky un autre grand exploitant de France, propriétaire de la Société des Cinémas de l’Est, surnommé « circuit Siritzky », et particulièrement actif dans le Nord et l’Est du pays.

À son ouverture, le journal l’Intransigeant considère Le Français comme « la salle la plus moderne dont Paris pourra justement s’enorgueillir ». La salle est ainsi détaillée :

Le point le plus attractif est incontestablement l’utilisation de la lumière noire qui permettra aux spectateurs du Français d’applaudir dans la salle obscure, un admirable bouquet de fleurs aux riches coloris, véritable feu d’artifice tiré dans la nuit ! Des appareils sonores d’une merveilleuse netteté, des murs revêtus d’une matière nouvelle permettant d’apprécier la qualité du son, une salle climatisée grâce à un chauffage urbain… autant de perfectionnements techniques qui font du Français la salle la mieux conçue de Paris ! Il faudrait encore parler des fauteuils d’une tonalité cyclamen, de la façade inspirée par l’architecte Ciclis, qui a eu l’idée de construire une scène donnant sur la rue, avec baie mobile… »

Une autre particularité de cette salle est une grille en lieu et place du traditionnel rideau de scène. Tout comme des jets d’eau qui s’actionnent lors de l’entracte, qui font la joie de la presse de l’époque.

Au début de l’Occupation, le Français est rebaptisé le Boulevard, avant de reprendre son nom d’origine. Il est ensuite incorporé au circuit allemand SOGEC. Il devient ainsi, avec le Biarritz et le Normandie, l’un des cinémas privilégiés pour diffuser les films du célèbre studio Continental, dirigé par l’allemand Alfred Greven. Ce studio, actif entre 1940 et 1944, produit une trentaine de films, dont nombre sont devenus des classiques, comme Le corbeau, La main du diable, Les inconnus dans la maison.

Les données de l’Assistance Publique se révèlent toujours aussi intéressantes, en particulier pour des classiques comme Remorques ou L’assassin habite au 21.